Île-de-Bréhat

Légende locale
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■   Légende locale

À Île-de-Bréhat et ses environs, elle connut son heure de gloire et, lors des veillées locales, elle anima certainement les soirées.

Le conteur, préparant sa prestation, n'hésitait pas à se lancer dans des improvisations, il brodait, déformait, virevoletait au gré de son imagination pour créer un spectacle unique.

Assis près de la cheminée, jetant des herbes au feu, il faisait naître des flammes colorées et parfumées ; créant le son et lumières d'antan, il y rajoutait les parfums.

Passant à Île-de-Bréhat, vous vous souviendrez peut-être de cette légende locale.

Île-de-Bréhat

ile-de-brehat


  • FrançaisÎle-de-Bréhat
  • BrezhonegEnez-Vriad
    ( Breton )
  • Population400 hab.
    Gentilébréhatins
  • Superficie3,09 km²
  • Densité129.45 hab./km²
  • Latitude48° 51 '46" N°
    Longitude1° 0 '0" E°
  • Latitude48.846199°
    Longitude1.000000°


 ⌘ L'intersigne de l’Alliance

Marie Cornic était femme douce et paisible habitant Bréhat. Elle avait épousé un capitaine au long cours et était sincèrement amoureuse de son homme parti au loin, par mers et par vents, pour gagner le pain familial. Le téléphone n'existait alors pas et le départ d'un mari, fils ou père, signifiait longues périodes sans nouvelles ; comme multiples femmes, Marie pensait à son mari navigant vers terres lointaines et de languissait du retour tant attendu...

Au départ de son mari, Marie fuyait les gens et n'acceptait contact qu'avec sa mère qui trouvait que langueur de mari était fortement déplacée, inutile et dangereuse pour sa fille. Sa mère, la maugérait souvent, par exemple, en lui disant:

⌘   Trop aimer est mauvais et nos aïeux disaient bien que trop de rien de vaut rien...
Marie lui répondait par un dicton en breton: " N’en deus mann a vad e-barzh ar bed eget karout ha bezan karet ! - Rien n'est bon en ce monde que d'aimer et être aimé ! "

Anxieuse, la jeune femme se réfugiait dans une Foi extrême et, tous les matins, assistait aux messes, priant et usant son chapelet en prières incessantes. Elle invoquait Dieu, les Anges, les Saints et les suppliaient de lui ramener son aimé mari ; de lui ramener son mari sain et sauf à Bréhat...

Habitant près de l'Église, jouxtant le cimetière, elle en fit percer le mur pour pouvoir rejoindre plus aisément le lieu sacré à l'abri des regards ou commérages et y brûler des cierges entre vêpres et messes.
Sachant son mari pêchant des lottes, elle devint folle de messe !

Terriblement anxieuse, elle se réveilla une nuit en sursaut: il lui semblait entendre sonner une cloche et sa bigoterie en fut immédiatement stimulée. Elle pebsa immédiatement à la messe de matines ; mais cette messe des premières heures n'est pas célébrée avant l'aurore.

Marie remarqua alors que sa chambre était éclairée d'une lumière inhabituelle, irréelle, surnaturelle mais, comme nous étions dans les mois noirs, elle pensa que l'hiver la trompait. Elle se leva donc et se prépara pour aller à messe de matines.
Marie arriva rapidement à l'Église...

Entrant, elle trouva l'Église pleine d'une manière inhabituelles et la messe célébrée avec très grande solennité par un prêtre étranger à la paroisse de Bréhat. Cela l'intriguant fortement, elle se pencha vers sa voisine de banc et lui demanda les raisons de cette solennité en lui faisant remarquer qu'ayant assisté à la grand messe le dimanche, aucune solennité n'avait été annoncée au prône.

La voisine ne répondit pas et continua a prier sans avoir prêté aucune attention à Marie Cornic. Toute l'assemblée, imposante et très nombreuse, suivait la messe et écoutait le prêtre dans un sielnce mortel.

Un remoux se fit soudain dans la foule et le chasgeu - le chasse-gueux, surnom un peu méchant du Bedell, le bedeau chargé de la bonne tenue de chacun et de la quête en l'Église. Armé de sa hallebarde, il fendait la foule, tendant une assiette de cuivre aux fidèles et, d'une voix d'outre-tombe, disait à tous:

⤇   Evit an Anaon, mar-plij, evit an Anaon...
  ⤇   Pour l'Autre-monde, s'il-vous-plait, pour l'Autre-monde...

Les sous tombaient drus et résonnaient clairs sur le plat de cuivre et Marie, voyant le bedeau se rapprocher d'elle, songea alors que, dans sa précitpitation, elle avait oublié tout argent à la maison. Un peu gênée puis paniquée, elle remarqua alors qu'elle ne connaissait personne, même pas le bedeau !

Bréhat
Navire à quatre mâts, prenant le large
Franz Huys - 1522-1562

Le chasse-gueux fut soudain sur elle, lui tendant le plat à oboles. Marie fut toute honteuse et dit au bedeau qu'elle n'avait rien en poches. Le quêteur tendait le plat et le secouait sous le nez de Marie qui, désespérée, alla jusqu\à retourner ses poches pour faire comprendre au bedeau qu'elle n'avait liard en poche.

⤇   Evit an Anaon, mar-plij, evit an Anaon, répétait le bedeau avec insistance, puis la voyant désespérée, il lui dit d'une voix forte:

⤇   Arabat mont d'an offeren-se hep aluzen evit ar re-marv. Dav deoc'h reiñ un dra-bennak !
    ⤇   Il ne faut pas venir à cette messe sans une obole pour les morts. Il vous faut donner quelque chose !

Désespérée, rougissant de honte, ne sachant plus que faire Marie ôta son alliance, cet anneau sacré échangé lors de leur union devant Dieu et devant les Hommes ; sacrifice ultime, elle le retira et le déposa dans le plateau, ressentant alors une douleur lui déchirer le ccœur, le corps et l'âme. En silence, elle se mit à pleurer toutes les larmes de son corps...

Six heure arrivant, le recteur - notre curé en Bretagne, entra dans son Église par la petite porte latérale et vit immédiatement Marie à genoux près d'un pilier. Elle priait profondément, dans une extase sans limites. Le recteur lui posa la main sur l'épaule et lui demanda ce qu'elle faisait de si bonne heure à l'Église:

⤇   Petra rit amañ, Mari ? Abred eo.
  ⤇   Que faites-vous là, Marie ? Il est tôt.

Sursautant fortement, elle répondit au recteur qu'elle suivait la messe.

⤇   Mari, selaouit, n\eus oferenn ebet ; Re abred eo !
  ⤇   Marie, écoutez, il n'y a pas de messe ; il est trop tôt !

Sortant de sa torpeur et retrouvant esprit, Mmarie regarda autour d'elle et vit qu'il n'y avait personne, que le recteur et elle. Elle faillit tomber en pâmoison et le recteur la rattrapa de justesse. Il lui demanda alors de lui raconter avec précision ce qui s'était passé. Tout dit, c'est avec une triste voix qu'il dit à Marie que le voleur ne pouvait être loin et qu'il allait la retrouver très rapidement...

D'un pas assuré, le bon recteur de l'Île de Bréhat se dirigea alors vers le chœur, en franchit la balustrade et se dirigea vers l'autel, en gravit les trois marches, puis, soulevant la nappe sacrée, vit l'alliance posée sur la pierre sanctifiée.

L'Anaon parle aux vivants - mais, trop agîtés, nous ne savons plus l'entendre ni l'écouter. Notre brave prêtre savait discerner les messages de l'Anaon et comprit immédiatement le message. Il dit alors à Marie:

⤇   Mari, it d'ar ger. Kraet hoc'h eux ; bremañ, dav deoc'h gwellañ...
  ⤇   Marie, vous avez aimé ; maintenant, il est nécéssaire de pleurer...

La nouvelle mit quinze jours à arriver à Marie.
À l'heure où elle quittait son anneau sacré, l'homme de sa vie, dans le naufrage de son navire au large des Inizi Sillan, vos îles Scilly en français ; à cette heure précise où Marie déposait son alliance, l'âme de ce mari tant aimé, quittait le corps pour rejoindre, au-dela des mers et des océans, au-delà des terres et des continents, cette terre que les bretons, dans leur génie, appellent l'Anaon, lieu où, pour éternité, vivent les âmes des défunts...