Apparue entre 1915 et 1917, cette chanson, très contestataire, était chantée par les hommes destinés aux boucheries de ce meurtier conflit. D'auteru anonyme, elle fut strictement interdite par le commandement car ses paroles, anti-militaristes, poussaient à la mutinerie; mutineries que l'on verra en 1917 dans tous les camps. Cette interdiction sera levée en 1974 par Valérie Giscard d'Estaing.
Ce type de chanson existe dans toutes les armées bélligérantes de cette époque. elles évoquent la lassitude, le sacrifice inutile, la douleur, la révolte face aux planqués vivant bien à l'abri...
En Italie, un de ces chansons se nomme O gorizia tu sei maledetta ; elle est splendidement interprétée, entre autre, par Giovanna Marini.
Quand au bout d'huit jours, le r'pos terminé,
On va r'prendre les tranchées,
Notre place est si utile
Que sans nous on prend la pile.
Mais c'est bien fini, on en a assez,
Personn' ne veut plus marcher,
Et le cœur bien gros, comm' dans un sanglot
On dit adieu aux civ'lots.
Même sans tambour, même sans trompette,
On s'en va là-haut en baissant la tête.
Refrain
Adieu la vie, adieu l'amour,
Adieu toutes les femmes.
C'est bien fini, c'est pour toujours,
De cette guerre infâme.
C'est à Craonne, sur le plateau,
Qu'on doit laisser sa peau
Car nous sommes tous condamnés
C'est nous les sacrifiés !
Huit jours de tranchées, huit jours de souffrance,
Pourtant on a l'espérance
Que ce soir viendra la r'lève
Que nous attendons sans trêve.
Soudain, dans la nuit et dans le silence,
On voit quelqu'un qui s'avance,
C'est un officier de chasseurs à pied,
Qui vient pour nous remplacer.
Doucement dans l'ombre, sous la pluie qui tombe
Les petits chasseurs vont chercher leurs tombes
Refrain
C'est malheureux d'voir sur les grands boul'vards
Tous ces gros qui font leur foire ;
Si pour eux la vie est rose,
Pour nous c'est pas la mêm' chose.
Au lieu de s'cacher, tous ces embusqués,
F'raient mieux d'monter aux tranchées
Pour défendr' leurs biens, car nous n'avons rien,
Nous autr's, les pauvr's purotins.
Tous les camarades sont enterrés là,
Pour défendr' les biens de ces messieurs-là.
Refrain
Ceux qu'ont l'pognon, ceux-là r'viendront,
Car c'est pour eux qu'on crève.
Mais c'est fini, car les trouffions
Vont tous se mettre en grève.
Ce s'ra votre tour, messieurs les gros,
De monter sur l'plateau,
Car si vous voulez faire la guerre,
Payez-la de votre peau !
< La Chanson de Craonne - par Marc Ogeret, 1973 >
< Bonsoir M'amour - par Jean Sablon, 1950 >