⌘ Les Infournas en 1789
L'histoire républicaine, revue et corrigée pour les besoins de la République, nous laisse souvent entendre que, sous l'Ancien Régime, rien n'était fait et que l'appareil du royaume était totalement incompétent. Cela est malheureusement une vision bien injustifiée et injuste.
En 1789, le pouvoir royal dresse un bilan de toutes les communautés villageoises et paroissiales du Royaume. Voici celle concernant la commune des Infournas. Elle est datée du 28 février 1789 et précède donc de peu la tenue des Etats Généraux qui se tiendront le 5 mai 1789 dans la salle des Menus Plaisirs du Palais de Versailles
L'ouverture des États Généraux
5 mai 1789
◎ État général des Infournas en 1789
Observations pour la communauté des Infournas à la lettre de MM. les procureurs généraux syndics des Etats du Dauphiné, du 28 février 1789.
- La communauté des Infournas, composé d'une seule paroisse a deux hameaux, les Infournas-hauts ou les Sebeyrannes et les Infournas-bas, chef-lieu. Cette paroisse a une demie lieue de long.
- Il y a dans la communauté cent quatre-vingt personnes, y compris les enfants.
- Il n'y a aucun médecin ni chirurgien; il y en a un à une lieue et demie de la communauté.
- Il n'y a aucune accoucheuse ni, aux environs, des accoucheuses instruites.
- Il n'est pas de notre connaissance d'avoir vu des maladies épidémiques, et l'on ne pratique point l'inoculation de la petite vérole.
- Le plus grand nombre des maisons sont en terre grasse, ainsi que les écuries; il y en a très peu de bâties à chaux et sable. Les couverts sont en paille, ce qui occasionne souvent des incendies. Il n'y a aucune carrière d'ardoise, ni aucune fabrique de tuiles; cependant il y aurait aux environs de la terre propre pour les tuiles.
- La communauté des Infournas est située entre deux montagnes, n'ayant de distance de l'une à l'autre qu'environ 300 toises ; le terrain est tout en pente, ce qui fait que le terrain est souvent emporté par les pluies.
- Il ne se perçoit dans cette communauté que du seigle, très peu de foin, ainsi que du refoin, quelque peu d'orge et d'avoine. Il n'y a point d'arbres fruitiers.
- Les grains rendent annuellement trois pour un. Leur nourriture est le blé de seigle et les pommes de terre où l'on en perçoit quelque peu. La consommation est six setiers de blé pour chaque personne.
- Dans les années de disette, on tire les grains de la Vallée du Champsaur ou bien du côté de Gap ou de Corps.
- Les denrées, de quelle espèce qu'elles soient, se portent au marché à St-Bonnet, qui est tous les lundis ; il y a une lieue de distance et l'exportation est à dos de bourrique ou de cheval.
- Il n'y a dans cette communauté aucun bois et forêts, à part quelques arbres, saule, peupliers et trembles, qui sont autour des fonds.
- La communauté n'a, pour tous communaux, qu'une montagne très aride et où l'on fait paître les brebis.
- Cette même communauté a un torrent très rapide qui la traverse, et, lors de la fonte des neiges ou crue des eaux, elle endommage les fonds qui le bordent ; c'est de ce torrent que l'on dérive les eaux pour arroser les fonds; l'eau étant froide tue les prairies, et avec très peu de digues, on garantirait les fonds.
- La qualité du gros bétail est des vaches, dont on se sert pour faire les labours; quelques jeunes veaux, qu'on élève ; et le menu bétail sont les brebis, mais on ne peut les garder qu'en été, attendu la quantité de neige qu'il y tombe.
- Il n'y a jamais eu des artistes vétérinaires ou de maréchaux-experts; aussi il meurt beaucoup de bestiaux, faute de personnes expérimentées en l'art.
- Il n'y a aucune industrie, ni commerce dans cette communauté.
- La communauté est régie par un consul, un châtelain et un greffier.
- Elle n'a aucun revenu.
- Les charges locales sont : l'entretien de l'église, de la maison curiale, des fontaines et du four, et l'on impose pour les réparations à proportion d'estime de chaque habitant.
- Depuis trente ans, les consuls n'ont jamais rendu de compte, sous prétexte qu'il en coûtait 5 à 6 livres pour chaque rendement de compte.
- Les pauvres n'ont d'autre revenu que la vingt-quatrième, mais M. le Curé quoiqu'il ait souvent été requis par les officiers de la communauté de la payer, il a toujours refusé et n'en paye point. En 1787, la communauté donna pouvoir au consul de se pourvoir au Parlement par requête, pour qu'il lui fût enjoint de la payer, mais le consul l'a négligé, faute de fonds pour survenir à cette dépense.
- Il n'y a aucune fondation pour des hôpitaux, ni pour l'éducation publique, aussi les enfants, le plus grand nombre, reste sans éducation.
- Le parcellaire de la communauté est en assez bon état, ainsi que les coursiers, et, à l'égard de l'époque où il a été fait, on n'a trouvé qu'une note sur le cadastre, qui a été vérifiée par M. Canel, conseiller du Roy en 1700. Les papiers et titres de la communauté n'ont point été conservés, parce qu'elle n'a aucunes archives et qu'elle a souvent changé de greffier.
Nous, officiers de la communauté, certifions le présent sincère et véritable.
Aux Infournas, le I° avril 1789.
Signé: OLLIVIER, châtelain;
Joseph BONHOMME, consul.