■ À trop en vouloir !
C'est ce qui arriva aux bons mais aussi intéressés Seigneurs de Pontis.
Boniface et son fils, Guillaume, furent accusés en 1353 d'exiger des droits de péage excessifs ; qui de plus, les armes à la main.
La machine était lancée et, après moult rebondissements, plaintes, témoignages et autres recours, l'affaire trouvera réponse définitive et formelle en 1759 !
Légendaire rapidité de la Justice...
Certes bons seigneurs - les uns le disaient, d'autres non - Boniface, seigneur du lieu, et son fils, Guillaume, furent accusés en 1353 d'exiger des droits de péage excessifs aux bergers, colporteurs et marchands passant sur leurs terres.
Hommes courtois et prévoyants, Sire Boniface et Guillaume, son rejeton, face aux impayés et fraudeurs de haute volée, décidèrent de bloquer le chemin et, armes à la main, d'imposer les montants dûs aux voyageurs, bergers ou marchands récalcitrants.
Leur temps de travail ayant forte valeur ajoutée, les taxes furent perçues comme prohibitives par les justiciables et, le dialogue étant celui de sourds, plainte fut déposée contre le seigneur et son fils en 1353.
Au XIV°siècle, le péage habituel en la région se prélevait à raison d'un denier par bœuf destiné à la vente ; cinq sols pour un cheval de luxe ; deux sols pour un cheval de travail, mulet ou mule ; huit deniers pour un âne ; six deniers pour un porc, une truie, un troupeau d'avérage.
Notre Boniface local et son Guillaume de fils exigeaient beaucoup plus et siégeaient au quartier des Angelasses. Malheur à vous si vous refusiez les taxes car plaies, horions, bosses, violences et sévices pleuvaient alors par légions et vous étiez assaillis à coups de bâtons ou d'armes plus sanglantes.
Le seigneur étant dans son droit, il y eu renvoi des accusés malgré les témoins et estropiés divers venant affirmer que Boniface et son fils étaient brutes, rançonneurs et personnes de piètre figure. Les plaignants crièrent au scandale, les estropiés montrèrent plaies, cicatrices, bosses et bâtons seigneuriaux tâchés de sang et cheveux coagulés, rien n'y fit ; le tribunal relaxa les prévenus.
En 1366, les mêmes furent de retour en plaidoirie. Boniface et son fils dans le box ; gueux et manants, bourgeois et passants criant scandale en réclamant justice, montrant nouvelles bosses, nouveaux horions, nouvelles cicatrices. le résultat fut identique et le père Boniface rentra au château avec son fils, le Guillaume.
Les années passèrent et, deux siècles plus tard, Boniface et Guillaume devenus douloureux souvenirs mais les taxes toujours actives, une enquête fut de nouveau diligentée ; nous étions alors en 1686 et, modernité faisant, les consuls déclarèrent ne savoir en quoi consistaient les droits prélevés. En 1747 ces droits furent supprimés, le 3 juin de l'année ; le sieur des Angles, alors bénéficiaire de ces revenus, en ressenti probablement cruelle perte financière.
Les bergers et transhumants, croyant que la suppression du péage emportait celle du pulvérage, refusèrent de payer ce dernier droit. Il fallut un arrêté royal, en 1750, pour déclarer la taxe de pulvérage maintenue ; lors de leur passage, les troupeaux salissant la route et levant important volumes de poussière, cette taxe finançait le balayage et nettoyage de la chaussée.
Le sieur Révillasc, bénéficaire de ces taxes et habitant Pontis, souhaitant récupérer les pertes financières à la faveur du pulvérage maintenu, augmenta terriblement cette imposition ; plainte fut encore déposée par les usagers.
Le jugement ne se fit pas attendre et un arrêté royal daté du 24 juin 1759, renouvelant celui de juin 1747, confirma la suppression du droit de péage et, dans la foulée, supprima aussi la taxe de pulvérage au lieu de Pontis.
À trop vouloir...
Nous n'avons pu localiser Angelasses avec certitude. D'anciennes cartes d'État-Major, signalent un Alasses le long de la Durance, sur l'actuelle frontière communale avec Le Sauze-du-Lac.