En 1759, Sa Majesté le Roi Louis XV et son gouvernement décidèrent d'un impôt de 100 livres à percevoir sur la consommation des vins par les habitants bourguignons de Chitry ; somme à partager entre les différents et joyeux contribuables. La somme payée annuellement commençant à devenir considérable, les Bourguignons de Chitry se sentant lésés, vexés et blessés dans leur amour-propre, estèrent en Justice pour faire aussi payer les parisiens ; ici les chitriens dépendant de la juridiction de Tonnerre.
Les bourguignons appuyèrent leur revendication sur le fait que les habitants de la zone parisienne - l'autre côté de la rue principale - possédaient caves et celliers en zone bourguignonne, qu'ils y entreposaient vins et boissons alcoolisées sans payer onéreux droits et taxes à la juridiction parisenne de Tonnerre ou, étant de Paris, à celle de Bourgogne.
Le procès tourna à l'avantage des bourguignons et, le jugement réalisé en la cour des Aides à Paris, transforma les contribuables de l'heureux parti des parisiens en joyeux contribuables intégrés au clan des bourguignons.
Quelques années plus tard, un salpétrier du Roi, fonctionnaire royal chargé de collecte et transformation du salpêtre, fut chargé de vérifier les caves en zone bourguignonne. Ce faisant, il vérifiait les caves bourguignonnes comme celles des parisiens situées en zone bourguignonne et, bien sûr, cela coûtait des sous aux bourguignons qui, voyant enocre les parisiens exonérés, en furent énervés.
Ils estèrent donc en justice encore une fois et...
... gagnèrent encore leur procès contre les parisiens !
On ne peut pas se disputer en tribunaux pour des affaires de ténébreuses caves sans conséquences villageoises. Les uns ayant esté contre les autres, les parents contre leurs enfants, ou les enfants contre leurs parents, les frères contre les sœurs, les sœurs contre les frères, sans compter les multiples alliances contre nature: parisien s'alliant à bourguignon contre autre bourguignon, ou autre parisien.
Ces disputes juridiques créèrent de sévères, pérennes et rudes tensions dans le paisible village de Chitry qui, dans son cahier de doléances du 24 janvier 1789, demandera d'une seule voix la réunion des deux entités fiscales en une seule. Les Révolutions passent mais ne rectifieront pas le statut de Chitry qui, à ce jour, conserve toujours cette ligne de démarcation au long de la Grande Rue.
Heureusement pour vous, les ans ayant apaisé les tensions, vous pourrez traverser la Grande Rue sans risquer décharges de gros sel de ceux d'en face !
