À la réflexion, la logique nous oblige à rectifier en partie notre affirmation, ou plutôt à la compléter par quelques précisions d'ordre pratique. Nous arrivons à une époque de l'Histoire où il va être indispensable pour les hommes de prendre à ce sujet de bonnes décisions.
Dans le monde entier, des femmes courageuses, souvent des femmes de valeur, se lèvent, clamant les revendications de leur sexe; et, si nous laissons de côté les manifestations dangereuses des suffragèttes anglaises, dont les excès sont de nature à porter à leur cause un grand préjudice moral, nous sommes obligés de reconnaître que les femmes ont bien quelques droits, elles aussi, a discuter de la chose publique.
De plus en plus, la femme cesse d'être simplemenl une ménagère, pour devenir fonctionnaire, employée, ouvrière. De moins en moins, la femme peut se borner à son rôle naturel d'épouse et de mère: les nécessités de l'existence l'obligeant à chercher en dehors de sa maison un complément aux ressources qu'apporte le mari.
De ce fait, le vieil argument simpliste qui dit que la femme est faite pour élever les enfants et raccommoder les chaussettes, devient sans valeur.
Si la femme joue dans la société le même rôle que l'homme, si elle a les mêmes devoirs, pour ne pas dire plus, il est juste qu'elle ait les mêmes droits.
Or, est-il un droit qui paraisse plus important que celui pour lequel nos pères ont versé leur sang : le droit de vote ?
À ce point du raisonnement, deux questions se présentent à l'esprit.
N'y aurail-il pas danger pour le régime à accorder a la masse des femmes un droit pour l'exercice duquel elles ne sont pas préparées; et même, ayant subi une éducation appropriée, les femmes sont-elles à tous moments capables de juger sainement ?
À la première de ces questions, nous répondrons que si actuellement toutes les femmes ne sont pas préparées à l'usage des droits politiques,il est malheureusement beaucoup d'hommes dans le même cas.
Chacun admettra qu'une institutrice, une femme docteur, ou professeur, ou avocat, est tout de même plus consciente de ses responsabilités qu'une brute alcoolique, qu'un idiot ou même qu'un illettré, qui eux, cependant, sont, le jour du vote, égaux aux plus savants.
On pourrait, je crois, accorder, sans gros inconvénient, le droit de vote aux femmes instruites, exerçant une profession, sous réserve de certaines conditions d'âge que je vais indiquer. Ces conditions, d'ailleurs, seront formulées en réponse à la deuxième objection.
Il est certain qu'une jeune femme, ignorant généralement tout ou à peu près de la vie, impressionnable par nature, subissant l'influence de son sexe à époques régulières, est peu apte à étudier sérieusement et à juger des choses politiques.
Mais, ce qui est vrai pour la femme de vingt ans, ne l'est plus pour une mère de famille de cinquante. Cette dernière sait de quoi la vie est faite, connaît par expérience tous les défauts de l'organisation sociale. Il est donc profondément injuste de lui refuser ce droit de vote que l'on accorde à son jeune fils.
Car, enfin, ce jeune homme sort a peine des bras de sa mère, ne possède que l'expérience dont cette, dernière lui a fait profiter. Il est très certainement célibataire, tandis que la femme qui lui a donné le jour, est mère de plusieurs enfants; et qui oserait affirmer qu'il possède beaucoup plus de jugement qu'une jeune fille de son âge ? Cependant, à vingt et un ans, cet homme est électeur et à vingt-cinq, éligible.
En accordant aux femmes le droit de vote, la République, loin de courir un danger nouveau, ne pourrait être que consolidée.
La femme égale à l'homme devant la loi, doit avoir comme lui le droit d'en discuter. Ce n'est là que l'application stricte du principe d'égalité, principale raison d'être d'un gouvernement à forme républicaine.
Maurice FOURNIÉ-MUSELLI
AVANTI - 11 octobre 1913
La presse du passé est passionnante !
Regorgeant d'anecdotes ou de faits-divers, parfois croustillante, souvent sordide, parfois amusante, elle nous permet de ressentir la manière de pensée de nos aïeux, de ceux qui ont vécu en cette commune, en ce territoire, de ceux qui l'ont fait vivre et que nous visitons.
La presse passée redonne vie aux simples citoyens, à ces gens qui n'auront jamais nom en livres d'histoire.
Il est plaisant d'y voir l'évolution des importances: en 1900, le commissaire fait une enquête pour un vol de jambon.
La violence est importante: violences ménagères ou non sont courantes, violences villageoises, banditisme ou non aussi ; les comptes se règlent à coups de poings, de bâtons ou autres armes.
Les cuites sont monnaie courante et pas exclusives de certaines régions: nombre de nos aïeux - ayant sans doute très soif, picolent sec !
Un prix spécial devrait être décerné à certains journalistes de cette presse ancienne: les coupures concernant les cuites et amendes en découlant sont parfois d'un humour extraordinaire.
Nous ne pouvons que vous conseiller de lire et acheter la Presse: vous la ferez vivre et imprimerez l'Histoire !