■ Crime horrible à Pommerol
Pommerol, 15 juillet - Le crime que vous signalait ma précédente dépêche a eu pour théâtre une petite commune de l'arrondissement de Nyons, Pommerol, village de soixante-dix habitants, perdu dans les montagnes, à 11 kilomètres de la Motte-Chalançon, où se trouve la bureau télégraphique le plus proche.
Au hameau de la Fromagerie, situé à quelques kilomètres du village, habitent les époux Girard et leurs enfants dont l'aînée, marie, est victime du crime d'hier.
Depuis deux mois, les époux Girard, avaient pris pour domestique ùn nommé Clément Brun, âgé de trente-deux ans. Cet individu, originaire de Rosans, était d'un caractère sombre et bizarre ; on affirme même qu'à plusieurs reprises il aurait émis des idées de suicide, mais rien ne faisait prévoir le crime atroce qu'il méditait.
Hier après-midi, pendant que ses maîtres faisaient la sieste, Brun, sortit avec son fusil, pour aller chasser les petits oiseaux. L'un des enfants partit aux champs pendant que la petite Marie allait s'étendre sous un hangar attenant à la maison, dans un panier de bât de mulet.
Dormait-elle ? On ne sait.
Toujours est-il que Brun revint subrepticement à la maison où, voyant la pauvre enfant étendue, il lui déchargea presque à bout portant, un coup de son arme.
La charge, composée de morceaux de plomb haché, pénétra dans le côté droit, traversa le poumon et vint mettre en bouillie le cœur. La mort dut être foudroyante. La mère entendit bien le coup de fusil mais ne s'en émut pas: elle croyait que Brun tirait sur quelque gibier.
Ce n'est qu'une heure après, que M. Girard, en vaquant à ses occupations, découvrit le crime. À ses cris, la mère, accourut. On juge du désespoir des malheureux parents.
Brun avait disparu, emportant son arme. Les voisins se mirent à sa recherche et battirent en vain les bois environnants. La brigade de gendarmerie de Rémuzat fut prévenue ainsi que la juge de paix qui se rendit sur les lieux. Le parquet de Nyons arrivait à son tour ce matin.
L'enquête n'a pas révélé les mobiles du crime.
La fillette n'avait été l'objet d'aucune violence ; on se perd en conjectures. Certaines personnes se demandent si Brun n'avait pas mis à exécution ses projets de suicide ot ne serait pas allé se tuer dans quelque coin ignoré.
LE PETIT JOURNAL, 17 juillet 1903
■ Le crime de Pommerol
Pommerol, 11 septembre - On se souvient du crime de Pommerol ; on se rappelle qu'une fillette de douze ans, la jeune Girard, fut trouvée près de la demeure de ses parents, tuée d'un coup de fusil tiré à bout portant.
Les soupçons se portèrent sur le domestique des époux Girard qui avait disparu après le crime.
Ce domestique, un nommé Brun, fut arrêté deux jours après et transféré à Nyons où une instruction fut ouverte. Jusqu'à ce jour, Brun affirmait avoir tué involontairement la fillette en prenant son fusil.
Après avoir, à deux reprises, tenté de se suicider en prison, Brun vient, enfin, de faire des aveux. 11 vient de reconnaître avoir tué volontairement l'enfant, mais il est resté muet sur les mobiles qui ont pu le pousser à commettre son crime.
LE PETIT JOURNAL, 12 septembre 1903
La presse du passé est passionnante !
Regorgeant d'anecdotes ou de faits-divers, parfois croustillante, souvent sordide, parfois amusante, elle nous permet de ressentir la manière de pensée de nos aïeux, de ceux qui ont vécu en cette commune, en ce territoire, de ceux qui l'ont fait vivre et que nous visitons.
La presse passée redonne vie aux simples citoyens, à ces gens qui n'auront jamais nom en livres d'histoire.
Il est plaisant d'y voir l'évolution des importances: en 1900, le commissaire fait une enquête pour un vol de jambon.
La violence est importante: violences ménagères ou non sont courantes, violences villageoises, banditisme ou non aussi ; les comptes se règlent à coups de poings, de bâtons ou autres armes.
Les cuites sont monnaie courante et pas exclusives de certaines régions: nombre de nos aïeux - ayant sans doute très soif, picolent sec !
Un prix spécial devrait être décerné à certains journalistes de cette presse ancienne: les coupures concernant les cuites et amendes en découlant sont parfois d'un humour extraordinaire.
Nous ne pouvons que vous conseiller de lire et acheter la Presse: vous la ferez vivre et imprimerez l'Histoire !