■ Salade niçoise à la tortue !
Les Niçois, en période de Carême et comme tous ceux de la côte, n'hésitaient pas à manger des oiseaux de mer ; ces viandes étaient considérées comme une sorte de poisson et, en conséquence, autorisées à la consommation par Rome et la Curie.
Elles étaient particulièrement appréciées des moines niçois: ils pouvaient alors continuer à faire bombance tout en respectant le Carême...
En Carême, des pêcheurs niçois ramenèrent une tortue pesant au moins 200 livres - 90kg...
Les Niçois, en période de Carême et comme tous ceux de la côte, n'hésitaient pas à manger des oiseaux de mer. Ces viandes étaient considérées comme une sorte de poisson et, en conséquence, autorisées à la consommation par Rome et sa Curie. Elles étaient particulièrement appréciées des moines niçois; ils pouvaient alors continuer à faire bombance tout en respectant le Carême.
Dans sa lettre du 10 Octobre 1764, Tobias Smollett, écrivain écossais résidant à Nice, assista, en pleine période de Carême, à une pêche étonnante. Il en rapporte l'anecdote à un ami écossais.
Des pêcheurs de Nice ramenèrent à la côte, une tortue pesant au moins 200 livres - 90kg. Ils l'avaient trouvée, flottant paisiblement à la surface de la mer.
Ne pouvant la charger sur leur chaloupe, ils l'avaient remorqué jusque sur la plage.
L'arrivée de ce monstre provoqua l'émoi des populations de la ville de Nice; la foule amassée sur la plage y découvrait cette mystérieuse créature, inconnue de ces rivages. Les moines franciscains, tout comme ceux des autres congrégations, avaient eux aussi précipitamment quitté leur couvent pour venir découvrir le monstrueux animal.
Sans doute guidés par un sûr instinct - ou par la faim que cette période de jeune leur imposait, les Franciscains, d'un seul mouvement, déclarèrent cet animal comme leur bien et l'entourèrent pour en bien marquer la propriété.
Les autres congrégations, sans doute plus sensibles au Carême qu'à leurs estomacs, déclarèrent que cet animal ne pouvait être mangé car - ils le clamaient bien haut et bien fort - il y avait quelques traces de surnaturel ou de diabolique. Pour pallier tous risques, ils proposèrent de bien l'asperger d'eau bénite et d'y pratiquer un exorcisme; prudence oblige.
Le Niçois a le sang chaud; bien vite le ton monte. Les paroissiens, suivant leur attachement à tel ou tel couvent, soutenaient franciscains ou autres. Certains, pour faire partager leur avis aux récalcitrants, en venaient aux mains; tant et si bien que la maréchaussée intervint. Pour éviter l'émeute et pacifier les esprits, elle ordonna de ramener ce monstre dans les flots.
Nos braves Franciscains avaient vigoureusement affirmé leur droit de propriété sur l'animal; ils furent préposés à cette manoeuvre. Se lamentant, geignant et soudain atteints de crampes d'estomac, ils durent, sous une surveillance stricte de la gendarmerie royale, ramener cette pauvre tortue vers les flots dont on l'avait si durement tirée.