Cherisay

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Un jour, un poème naquit par sa plume...

Né dans la commune, il fut connu pour ses écrits ou, inspiré par Cherisay et tombé sous le charme de ses paysages ou de ses habitants, il laissa s'exprimer la muse pour écrire quelques belles lettres malheureusement devenues souvent trop peu connues ou oubliées.

Nous souhaitons vous les faire découvrir à travers cette page et vous faire apprécier ce si riche et beau passé malheureusement fort négligé et oublié...


Cherisay

cherisay

  • FrançaisCherisay
  • Population300
    Gentilé
  • Superficie7,99 km²
  • Densité37.55 /km²
  • Latitude48° 21 '60" N°
    Longitude0° 6 '0" E°
  • Latitude48.349998°
    Longitude0.100000°
  • Cherisay16 pages


Rue Bric et Brac

⌘ Le caillou roulé

◎ Adieu

À Monsieur Jean Carcassonne
Qui n’a quelque pitié des brebis voyageuses,
Laissant à chaque haie un peu de leur toison ?
Madame Valmore

Bienheureux ceux qui pleurent, parce qu’ils seront consolés.
Evangile



I
Partir ! Dire un adieu, tout humide de larmes,
Qui déchire le cœur et qui voile nos jours !
Couvrir sous des baisers de cruelles alarmes,
Dire: au revoir tout haut et tout bas: pour toujours !

Partir ! De ce seul mot ma jeune ame oppressée,
N’osait plus regarder vers l’obscur avenir,
Et, se réfugiant au fond de sa pensée,
Elle arrêta son vol pour se ressouvenir.

Et, le front incliné sur mes deux mains brûlantes,
Des sanglots dans la voix et des pleurs dans les yeux,
Je jetai vers le ciel ces paroles tremblantes,
Que la brise emporta dans le vague des cieux !
II
« O terre ! ô sol natal ! sous ton épais feuillage
Je ne reviendrai plus ni danser, ni m'asseoir !
Je ne reviendrai plus écouter le ramage
De tes oiseaux chanteurs, qui me berçaient le soir.

a Au bord de tes ruisseaux, dont la voix est si douce,
Je ne redirai plus quelques accords touchants:
Et, sans les répéter à tes fleurs, à ta mousse,v Le zéphyr dans les airs dispersera mes chants.

« Et toi, mon beau soleil, par qui le cœur s’enflamme
Quel feu remplacera ton pur et doux rayon ?
Loin de toi, quel foyer réchauffera mon ame ?
Quelle vive clarté réjouira mon front ?

« O mer ! Qui me rendra celte harmonie immense
Que ta vague en roulant jette vers l’Eternel ?
Qui saura me parler de sublime espérance ? Qui me révélera les extases du ciel ?

a Oh ! pour vivre toujours sur l’ondoyante plage
Où, deux fois, j’ai vu naître et mourir le soleil»;
Pour écouler toujours sur ce calme rivage
Ton hymne de la nuit, ton hymne du réveil,

a Je donnerais, ô mer ! la plus belle couronne
De fleurs ou de laurier: je donnerais encor
Tous les trésors menteurs que le monde nous donne.
Sa gloire, son amour et tous ses rêves d’or !

« Car toi seule pourrais inspirer à ma lyre
Ce chant mystérieux que tu m’as fait rêver !
Ce chant, après lequel mon âme en vain soupire §
Que je cherche partout, sans jamais le trouver !

«Mais, hélas ! à quoi sert ma douloureuse plainte ?
Chacun doit ici-bas accomplir son destin:
Qu’il soit triste ou joyeux, il faut marcher sans crainte
Sans regret du passé, sans peur du lendemain !

• Je le voudrais, Seigneur ! mais mon atne est si frêle !
Déjà tant de sanglots ont troublé son sommeil,
Qu’une larme suffit pour replier son aile,
Pour obscurcir son ciel et voiler son soleil !

« Partir ! Dire un adieu, tout humide de larmes,
Qui déchire le cœur et qui voile nos jours !
Couvrir sous des baisers de cruelles alarmes,
Dire: au revoir ! tout haut, et tout bas: pour toujours !

«Partir ! Ne plus revoir, hélas ! ne plus entendre
Tous ces êtres aimés, toutes ces voix du cœur,
Qui versent sur la vie un chant pieux et tendre,
Un prisme chatoyant qui fait croire au bonheur !

« Oh ! c’est une pensée amère, et qui résume
Dans son cri déchirant trop de cris de douleur,
Pour que le cœur brisé, plein de son amertume,
Ne rejette au dehors une amère saveur. »

III
Et lorsque j’eus fini d’exhaler ma tristesse,
Une corde vibra sur une harpe d’or:
Et j’entendis un chant, plein d’exquise tendresse,
Mystérieux parfum d’un céleste trésor !

On eût dit le soupir d’un ange,
Emportant mes pleurs vers le ciel,
Et voulant laisser en échange
Sa plus pure goutte de miel !

On eût dit la note plaintive
D’un luth triste et mélodieux,
Qu’éveille une larme furtive,
Tombant d’un cœur chaste et pieux !

Oui ! c'était une larme ! Une perle divine
Que je recueille avec amour !
Oui ! c’était le soupir d'un ange qui devine
Les maux du terrestre séjour !

Et maintenant je pars ! je quitte celte plage,
De mes sombres regrets le cœur moins oppressé ;
J’emporte dans ma vie une céleste page,
Un fécond souvenir des jours démon passé !

Recevez mon adieu, doux et tendre Poète,
En échange du vôtre, et mes pleurs pour vos pleurs »
Je pars ! mais dans l’exil où le destin m’arrête,
Je garderai toujours le parfum de vos fleurs !

IV
Adieu, barde inspiré par un divin génie,
Dont une seule fois j’entendis les accords !
J'emporte au fond du cœur votre pure harmonie,
Qui me fera trouver mon ciel sur d’autres bords !

Adieu, charmant frondeur des travers de tout âge*:
Vous avez pour ma Muse emmiélé votre voix;
Je vous donne aujourd’hui cet adieu ! faible hommage,
Qui n’acquittera pas tout ce que je vous dois !

Adieu tout ! adieu tous ! Aspects de mes vallées,
Images dont mes pleurs mouillent le souvenir:
Vous ne m’apparaissez maintenant que voilées,
Et j’ose à peine, hélas ! regarder l'avenir !

Adieu tout ! adieu tous ! Mon âme se déchire
En brisant à la fois tant de liens si doux !
Et je ne trouve plus à jeter sur ma lyre
Que ces mots pleins de pleurs: Adieu tout ! Adieu tous !


Anaïs Biv
Perpignan, 6 Octobre 1840

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